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Litige entre actionnaires : l’essentiel d’une bonne convention

Écrit par Maxime Morneau-Ricard  - 

Les litiges entre actionnaires sont une réalité fréquente dans le monde des affaires, particulièrement au sein des sociétés par actions. Ces différends, s’ils ne sont pas prévus et encadrés adéquatement, peuvent avoir des conséquences graves sur la stabilité et la pérennité de l’entreprise.

Cet article vise à expliquer le rôle des actionnaires dans une société par actions au Québec, ainsi que l’importance d’une bonne convention entre actionnaires bien structurée. Une telle convention ne sert pas seulement à régir les relations quotidiennes entre actionnaires, mais elle joue aussi un rôle fondamental dans la prévention et la résolution des conflits potentiels.

Nous aborderons également les principales clauses que l’on retrouve fréquemment dans ce type d’entente, notamment les clauses de type « shotgun » et les clauses de non-concurrence. Enfin, l’article mettra en lumière l’importance de prévoir dès le départ des mécanismes efficaces pour encadrer les litiges éventuels entre actionnaires, afin d’assurer une gestion rapide et équitable des différends et de limiter les impacts négatifs sur la société.

Le rôle des actionnaires dans une société par actions au Québec

 Les actionnaires sont essentiels à la structure et au fonctionnement d’une société par actions. Ils détiennent des droits importants, notamment le droit de vote sur des questions cruciales et le droit de préemption lors de nouvelles émissions d’actions. Ces droits leur permettent d’influencer la direction et les décisions stratégiques de la société.

C’est également aux actionnaires que revient la décision de se soumettre ou non à une convention unanime entre actionnaires et d’en déterminer toutes les modalités. Notamment, par l’effet d’une telle convention, les actionnaires peuvent décider de transférer les pouvoirs des administrateurs aux actionnaires ou à des tiers.

Qu’est-ce qu’une convention entre actionnaires et en quoi celle-ci est-elle importante

Une convention entre actionnaires est un accord de volontés, un contrat, entre les actionnaires d’une société par actions. Cet accord peut prendre plusieurs formes et servir divers objectifs. Par exemple, il peut inclure une variété de clauses pour régir les relations entre les actionnaires et la gestion de la société. Parmi les types de clauses couramment incluses, on trouve les clauses d’achat-vente d’actions, des clauses qui régissent l’exercice des droits de vote des actionnaires et le type de majorité requise (51%, 75%, unanimité), des conventions d’arbitrage, des contrats de travail, des clauses de non-concurrences et de non-sollicitation, etc.

Une convention entre actionnaires est essentielle pour régir les relations entre les différents acteurs d’une société par actions. Elle peut être adaptée à diverses situations, comme les relations entre conjoints coactionnaires ou entre actionnaires majoritaires et minoritaires. Une convention détaillée permet de clarifier les attentes et les responsabilités de chaque partie, réduisant ainsi le risque de litiges. Cela permet également de prévoir à l’avance les mécanismes entourant un potentiel litige qui pourrait naître entre les actionnaires de même que les sanctions ou pénalités applicables.  En effet, il est possible d’inclure des clauses pénales qui imposent des sanctions prédéterminées en cas de violation de la convention telles que des amendes ou des réductions du prix des actions et le rachat forcé de celle-ci.

Les conventions entre actionnaires doivent être écrites et signées par tous les actionnaires, qu’ils aient ou non le droit de vote. De plus, toute personne qui devient actionnaire après la conclusion de la convention est réputée partie à celle-ci, sauf si elle n’était pas avisée de son existence.

Application des règles générales en l’absence de convention

Essentiellement, la convention entre actionnaires est la « loi entre les parties ». Toutefois, en l’absence d’une telle convention, les règles générales de la Loi sur les sociétés par actions (LSA) ou celles de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA) s’appliquent. Ces règles peuvent parfois être rigides et ne pas refléter les spécificités de chaque situation ou de chaque relation d’affaires, d’où l’importance d’une convention adaptée sur mesure pour votre entreprise.

Clause de type « Shotgun »

 Une clause de type « shotgun » est une disposition contractuelle incluse dans les conventions entre actionnaires pour gérer les situations de conflit ou de désaccord. Cette clause permet à un actionnaire de proposer d’acheter les actions des autres actionnaires à un prix déterminé, tout en leur donnant la possibilité d’acheter ses propres actions aux mêmes conditions. Ce mécanisme force une résolution rapide des conflits en mettant les parties en position de décider rapidement de vendre ou d’acheter des actions.

Le fonctionnement de la clause « shotgun » est simple. Lorsqu’un actionnaire déclenche la clause, il fait une offre d’achat pour les actions des autres actionnaires à un prix spécifique. Les autres actionnaires peuvent alors accepter l’offre et vendre leurs actions au prix proposé par l’offrant, ou refuser l’offre et acheter les actions de l’offrant au même prix proposé. Ce mécanisme incite les actionnaires à proposer un prix juste, car une offre trop basse pourrait être refusée, obligeant l’initiateur à vendre ses propres actions à ce prix. Il s’agit donc d’un « pensez-y bien » pour les actionnaires qui les amènent à faire une évaluation sérieuse de la valeur des actions pour arriver à un dénouement rapide. De cette façon, tous les actionnaires sont plus susceptibles de conclure une transaction à l’avantage de l’ensemble des parties.

L’importance de la clause « shotgun » réside dans sa capacité à prévenir les impasses et à offrir une solution rapide et équitable aux conflits. Elle est particulièrement utile dans les entreprises où les actionnaires détiennent des parts égales ou presque égales, car elle permet de résoudre les désaccords sans recourir à des procédures judiciaires qui sont parfois longues et coûteuses. Il s’agit donc d’un outil puissant qui est généralement prévu aux conventions. Cependant, cette clause peut être sujette à des abus, notamment si les actionnaires n’ont pas des ressources financières équivalentes, ce qui pourrait favoriser l’actionnaire le plus fortuné. Il faut donc toujours l’appliquer de manière à respecter les exigences de la bonne foi et de la raisonnabilité.

Clause de non-concurrence

Une clause de non-concurrence est une disposition contractuelle qui interdit à une partie de se livrer à des activités concurrentes sur un territoire donné et pendant une certaine période après la fin de la relation contractuelle. Dans le contexte d’une convention entre actionnaires, cette clause vise à protéger les intérêts commerciaux de la société en empêchant les actionnaires de créer ou de participer à des entreprises concurrentes qui pourraient nuire à la société.

L’objectif de cette clause est donc tout à faire légitime et valable. Toutefois, la clause de non-concurrence doit être limitée quant à sa durée, son territoire et les activités qu’elle interdit. La jurisprudence québécoise exige que ces limitations soient raisonnables et proportionnées aux intérêts légitimes de la partie en faveur de laquelle la clause a été stipulée. Par exemple, la Cour suprême[1] a établi que la clause doit être limitée à ce qui est nécessaire pour protéger les intérêts légitimes de la partie bénéficiaire, en tenant compte du contexte de la conclusion du contrat, du prix de vente, de la nature des activités de l’entreprise, et de l’expérience des parties.

En matière commerciale, une clause de non-concurrence sera jugée raisonnable si elle est limitée quant à sa durée, son territoire et les activités qu’elle vise. La durée de la clause ne doit pas excéder ce qui est nécessaire pour protéger les intérêts légitimes de la société. La clause doit également se limiter au territoire où la société exerce ses activités et aux activités spécifiques exercées par la société.

Il est important de noter que les tribunaux québécois n’ont pas le pouvoir de modifier une clause de non-concurrence déraisonnable pour la rendre valide. La jurisprudence majoritaire au Québec maintient que les tribunaux n’ont pas le pouvoir de réécrire ou de modifier les clauses de non-concurrence qui ne respectent pas les exigences de l’article 2089 C.c.Q. En effet, les tribunaux doivent constater la nullité de telles clauses plutôt que de tenter de les ajuster ou les sauvegarder. Conséquemment, il est crucial de rédiger ces clauses avec soin pour éviter qu’elles ne soient annulées par les tribunaux.

Conclusion

En somme, la rédaction d’une convention entre actionnaires adaptée aux besoins spécifiques d’une société par actions est essentielle pour assurer la stabilité, la prévisibilité et la protection des intérêts de tous les actionnaires.

L’inclusion de clauses stratégiques, telles que les clauses de type « shotgun » ou de non-concurrence, permet non seulement d’encadrer efficacement les relations entre actionnaires, mais aussi de prévenir les litiges avant qu’ils ne surviennent. En prévoyant dès le départ les mécanismes de résolution des différends et les règles applicables en cas de conflit, les actionnaires se dotent d’outils essentiels pour assurer une gestion harmonieuse et protéger la pérennité de l’entreprise.

À défaut d’une convention soigneusement rédigée, les actionnaires devront se conformer aux règles générales, souvent rigides, prévues par les lois applicables, ce qui peut engendrer des résultats inadaptés à leur réalité particulière.

Pour obtenir des conseils adaptés à votre situation ou pour toute question concernant la rédaction ou la révision d’une convention entre actionnaires, n’hésitez pas à communiquer avec un avocat de notre étude. Nous serons heureux de vous accompagner dans la mise en place de solutions préventives et la protection de vos intérêts.

[1] Payette c. Guay inc2013 CSC 45

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