Protéger son entreprise grâce aux clauses contractuelles en droit du travail
Écrit par Sarah Burke -Dans un environnement d’affaires de plus en plus compétitif, la protection des intérêts d’une entreprise est de plus en plus cruciale pour assurer sa pérennité. Que ce soit avant ou après l’emploi, les employeurs doivent pouvoir compter sur un cadre juridique clair qui encadre la conduite de leurs employés (ou de leurs associés, dans le cadre d’une convention unanime d’actionnaires) et qui préserve leurs intérêts stratégiques, leurs relations d’affaires et leurs informations confidentielles.
Au Québec, certains mécanismes essentiels permettent d’atteindre cet équilibre : l’obligation de loyauté, qui s’applique en tout temps, même sans clause écrite, et la prévision de certaines protections contractuelles comme la clause de non-concurrence, la clause de non-sollicitation et la clause pénale. Ces clauses, pour être bien valides, doivent être soigneusement rédigées.
En effet, malgré son apparente solidité, un contrat de travail mal rédigé peut se transformer en véritable champ de mines juridique. Clauses floues, pénalités excessives, déséquilibre manifeste entre les droits et obligations — un contrat mal rédigé peut tout autant faire porte ouverte aux litiges et à l’intervention des tribunaux.
Cet article vous propose un tour d’horizon de certaines protections pour l’employeur qui constituent des notions clés en droit du travail québécois.
Obligation de loyauté
D’emblée et même sans protection additionnelle, les dispositions du Code civil du Québec imposent à tout salarié un devoir implicite de loyauté envers son employeur. Cette obligation se poursuit au-delà de la fin du contrat, et ce, pour une durée raisonnable. Lorsqu’il est question de réputation ou de vie privée, l’obligation de loyauté se poursuit en tout temps.
Concrètement, cette protection signifie qu’un ancien salarié ne peut nuire activement à son employeur après son départ et interdit toute forme de dénigrement systématique, de détournement de clientèle et de divulgation d’informations sensibles.
L’obligation de loyauté prime sur la liberté d’expression et l’ancien employé est contraint, dans le cadre de son travail, de faire primer les intérêts de son employeur sur les siens à ce niveau.
L’ancien employé doit se comporter avec honnêteté et intégrité envers son employeur et ne peut lui faire concurrence déloyale. La sollicitation de clientèle directe, ciblée et active, ainsi que la subtilisation de la liste de clients d’une entreprise, par exemple, constituent des actes de concurrence déloyale.
L’obligation de loyauté ne doit toutefois pas être interprétée comme étant équivalente à une clause de non-concurrence bien rédigée. Dans une décision récente, la Cour d’appel du Québec a d’ailleurs confirmé que l’obligation de loyauté ne pouvait empêcher un en employé de préparer sa transition vers un prochain emploi avant d’avoir démissionné et de faire concurrence à son employeur de bonne foi directement après sa démission1. Ainsi, en l’absence d’une clause de non-concurrence, la liberté de concurrence prévaudra.
La clause de non-concurrence
Par l’ajout d’une clause de non-concurrence dans son contrat de travail, un employeur peut efficacement limiter la liberté de son ancien employé de travailler pour un concurrent ou de lancer une entreprise dans le même secteur.
Pour être valides et efficaces, ces clauses doivent toutefois être :
- Limitées dans le temps (durée variable, selon le poste)
- Définies géographiquement (un territoire raisonnable, proportionnel aux activités de l’entreprise);
- Claires quant aux activités interdites (pas de termes vagues ou généraux);
- Justifiées par un intérêt légitime (protection de la clientèle, des secrets commerciaux, du savoir-faire, etc.).
La rédaction de clauses de non-concurrence doit être faite en termes clairs et précis, qui fixent avec exactitude le contenu de l’obligation qui incombe au salarié. Autrement, une formulation trop large pourrait avoir pour effet d’invalider complètement la clause.
Une clause de non-concurrence sera manifestement déraisonnable, par exemple, si les restrictions qu’elle impose sont injustifiées et excèdent ce qui est nécessaire à la protection de des intérêts commerciaux de l’employeur.
La clause de non-sollicitation
Pour davantage se protéger, un employeur peut également se prévaloir de clauses de non-sollicitation de clientèle, qui empêchent un ancien employé de poser de gestes positifs visant à établir une communication active, directe, persistante et récurrente auprès sa la clientèle.
Un employeur peut également se prévaloir de clauses de non-sollicitation d’employés, qui empêchent un ancien employé de poser des gestes actifs ou positifs impliquant un élément d’insistance ou de pression dans le but d’amener d’emmener un autre employé à quitter son emploi.
Ces clauses, bien qu’également balisées par les tribunaux, sont souvent soumises à des exigences plus souples que les clauses de non-concurrence et ne doivent pas nécessairement être assorties d’une limite territoriale.
Clauses pénales
Dans la rédaction d’un contrat de travail, il peut souvent être bénéfique de prévoir une clause pénale, établissant à l’avance un montant qui sera versé à titre de dommages en cas de violation d’une obligation contractuelle découlant, par exemple, d’une clause de non-concurrence, d’une clause de non-sollicitation ou d’une clause de confidentialité.
Ces clauses ont une fonction compensatoire et dissuasive, permettant à la fois de décourager un salarié de manquer à ses obligations et à l’employeur de se prévaloir d’une indemnité préétablie en cas de litige, plutôt que d’avoir recours aux tribunaux.
Pour être valide, le montant prévu par une clause pénale doit toutefois être raisonnable et proportionnel au préjudice anticipé par l’employeur. À défaut, les tribunaux peuvent réduire la pénalité accordée ou invalider la clause s’ils estiment qu’elle est excessive.
Conclusion
Dans un contexte où les ressources stratégiques sont plus mobiles que jamais, il est essentiel de structurer ses relations contractuelles avec clairvoyance. Un bon contrat de travail ne se limite pas à l’établissement d’un horaire et d’un salaire : il encadre également la sortie d’un employé.
Afin de protéger les intérêts d’une entreprise, la meilleure protection à sa disposition restera toujours la prévention.
Afin de prévenir un litige, vous pouvez, comme employeur :
- Faire réviser vos contrats de travail par un avocat: Assurez-vous que les clauses restrictives (non-concurrence, non-sollicitation, etc.) sont à jour et juridiquement solides.
- Adapter vos clauses selon les fonctions : Un représentant aux ventes n’expose pas les mêmes risques qu’un cadre dirigeant ou un développeur en recherche et développement
- Protéger vos actifs stratégiques : Limitez l’accès aux informations sensibles aux seules personnes qui en ont besoin.
- Encadrer les départs : Profitez des entretiens de départ pour rappeler les obligations post-emploi et obtenir, si nécessaire, des engagements écrits supplémentaires.