
Atteinte à la réputation d’un employeur – Violation de l’entente de fin d’emploi
Écrit par Lévesque Lavoie Avocats -Beaucoup ont déjà entendu parler des obligations de loyauté et de confidentialité que doit tout employé à son employeur au Québec en vertu de l’article 2088 du Code civil. Plusieurs savent aussi que ces obligations perdurent jusqu’à après la fin de la relation d’emploi. Par contre, il est plus rare de constater les conséquences juridiques concrètes d’une contravention à ces obligations.
En 2023, la Cour supérieure a effectivement condamné un employé à payer à son ancien employeur la somme de 25 000 $ en dommages moraux et 5 000 $ en dommages punitifs pour contravention à ses obligations de confidentialité et de loyauté dans la décision Municipalité du Canton de Potton c. Roger[1]. L’employé avait notamment mené une campagne sur les médias sociaux de façon à antagoniser une partie de la population contre le Conseil municipal, avait conservé une banque d’adresses courriel et avait dévoilé des informations dont il s’était engagé à conserver la confidentialité.
Les obligations prévues au Code civil
Dans ses motifs, le Tribunal rappelle que les obligations de confidentialité et de loyauté d’un employé envers son employeur sont proportionnelles à la nature des fonctions et responsabilités du salarié et que, même lorsque le contrat de travail est résilié sans motif sérieux, ces obligations subsistent pour une durée qui dépend du contexte de l’emploi. Dans le cas où une indemnité de fin d’emploi est versée, l’employeur peut s’attendre à ce que ces obligations soient respectées pour la durée couverte par l’indemnité.
Les engagements contractuels de l’employé
Plus particulièrement, dans les faits de cette décision, l’employé et la Municipalité avaient convenu d’une entente de fin d’emploi prévoyant notamment que les parties s’engageaient à ne pas porter atteinte à leur réputation respective, à garder confidentiels les évènements relatifs à l’emploi auquel il était mis fin et où l’employé attestait avoir remis tout document appartenant à la Municipalité qui était en sa possession. Le Tribunal constate que ces engagements viennent dépasser largement les obligations prévues au Code civil et lient les parties, de sorte que l’entente de fin d’emploi limitait ni plus ni moins le droit de l’employé à la liberté d’expression et l’obligeait à ne nuire d’aucune façon à la Municipalité.
Les conclusions
Concernant le montant des dommages, la Cour décide que la somme de 25 000 $ réclamée par la Municipalité pour compenser ses dommages moraux est juste et très raisonnable dans les circonstances.
Malgré que les Tribunaux se montrent très prudents quant à l’octroi de dommages punitifs, étant donné que l’atteinte à la réputation de la part de l’employé était illicite et intentionnelle et qu’elle démontrait une intention de nuire en contravention aux engagements souscrits, l’employé est condamné à la somme de 5 000 $ à titre de dommages punitifs.
Finalement, le Tribunal émet une injonction ordonnant à l’employé de cesser de nuire à la réputation de la Municipalité et à cesser d’utiliser des renseignements confidentiels obtenus dans le cadre de son emploi.
Quoi retenir ?
Les obligations de loyauté et de confidentialité inhérentes à tout contrat d’emploi au Québec ont certaines limites, et leur contravention n’est pas toujours facile à compenser. Il est utile de connaître ses droits et obligations en la matière, et parfois de clarifier et solidifier une entente avec des professionnels. Advenant une contravention aux obligations d’une partie, le recours aux Tribunaux pourra être une option envisageable. Le cas échéant, afin d’obtenir la compensation et les ordonnances appropriées, il sera bien indiqué d’avoir été accompagné aussi tôt que possible dans le processus.
[1] 2023 QCCS 341.